Les villas anglaises

A partir de l’apparition du chemin de fer en 1863, environ 2000 anglo-américains accompagnés de leur famille aiment venir « hiverner » à Pau et dans ses environs. Or, le cadre de vie normal d’une famille est une maison d’où l’implantation de villas dans la région.

L’origine de ces villas remonte à la villa romaine, grande maison de campagne accompagnée d’une ferme. Située, du point de vue de l’importance, entre le château (médiéval, Renaissance ou classique), seule façon de vivre à la campagne, sous l’Ancien Régime, pour un membre de l’aristocratie, et l’hôtel particulier, la villa apparut au XVIIIème siècle en Grande-Bretagne, puis au XIXème en France, inspirée par le mouvement d’architecture néo-classique du palladisme et favorisée par le romantisme qui voulait une vie près de la nature.

Sur les cinquante constructions, offertes soit à la location soit à la vente, édifiées à Billère, terre d’élection des anglais, vingt-neuf subsistent toujours, témoins silencieux d’une grande époque donnant avec leur parc un caractère résidentiel à la ville. Ces nombreuses villas ont été construites dans un souci de confort et d’agrément présentant des dimensions nécessaires à la vie d’une famille très aisée, pourvue de nombreux domestiques, et coutumière de grandes réceptions.

Evoquons quelques-unes de ces villas  » anglaises « – ou plutôt ces « villas à l’usage des Anglais »- qui, loin d’être toutes semblables, n’ont pas un style déterminé, puisqu’elles se sont inspirées de styles très variés.

Dans le cœur du Billère ancien, vieillissent doucement les premières villas des deux irlandais Thomas Gillis et Robert Thomas Forster.

La villa « les Acacias » relève du style français très usité pendant tout le XIXème siècle. Point d’ornements superflus, ni balcon, ni rampe de perron, ni balustrade : les Acacias est une grosse maison sans prétention, construite sur un plan carré (à deux étages surmontés d’un étage mansardé aménagé grâce au toit en ardoises à deux pentes villa). On trouve ainsi à Pau ou dans les environs, plusieurs demeures du même style, dont la Banque de France, demeure de la branche aînée des Lawrance, en est le plus bel exemple. Dans ce même esprit architectural, mais plus modeste, se remarque encore entre autres la villa Sainte-Odile à Billère. Ces villas souvent posées au milieu d’un parc se donnaient des airs de petit château, mais charment encore plus par leur simplicité, la commodité de leur aménagement, leurs dimensions raisonnables, et l’éclairage très suffisant que donnaient leurs hautes fenêtres.

L’autre villa irlandaise est la villa Caplane, unique en son genre. Elle est l’une des plus anciennes villas construites par un « hivernant ». Son style fait très irrésistiblement penser à un manoir irlandais alors qu’en réalité il devait probablement s’agir au départ d’une assez importante maison béarnaise, à toit d’ardoises élevé, dont les bords se relèvent en « coyau ». Mais, on y a ajouté, au lieu des lucarnes à toit arrondi de la campagne béarnaise, de petites tourelles qui hérissent le toit, et dont deux, l’une en façade, l’autre sur le côté, sont plus importantes et garnies de fenêtres à vitraux sur le pourtour. Des baies vitrées à petits carreaux et boiseries sombres sur la façade complètent l’ensemble qui a certainement été voulu par Thomas Forster pour lui rappeler son pays natal. Un très beau parc entourait la maison, des écuries, des dépendances de toutes sortes permettaient de subvenir aux besoins de toute la maisonnée : maîtres et domestiques, chevaux et chiens. Il reste encore une jolie maison de gardiens simple et rustique nichée contre la grande demeure. Le parc a été loti et la maison vendue par appartements, mais son aspect pittoresque demeure.

Le Club House, quant à lui, appartient au style chalet anglo-normand très bien adapté aux vastes « greens » du Golf et très évocateur des golfs insulaires, toutes proportions gardées, bien entendu. Les caractéristiques du style chalet anglo-normand sont les suivantes : toits d’ardoises à forte pente, mansardes très saillantes, colombages, balcons de bois et porches abrités sous un toit en réduction.

Mais, ce style n’a pas fait école à Pau contrairement au genre  » manoir  » qui, lui, eut beaucoup plus de succès. Nous pouvons en prendre pour exemple la villa Inisfaïl, construction simple mais flanquée d’une tour ronde chaperonnée d’un toit pointu, qui l’introduit dans cette catégorie. La maison du Lys presque en face de celle-ci, présente quelques boiseries en façade, mais s’enorgueillit d’une belle tour carrée au toit pyramidal qui lui donne incontestablement des allures de manoir. De même, la villa des Tours à côte d’Inisfaïl présente-t-elle aussi trois tours pointues en flanquement.

La villa Béatrix, très recherchée dans sa conception et très compliquée dans son décor, relève du style italien (toit de tuiles à faible pente et frontons orgueilleux dominant certaines ouvertures) et tient beaucoup à son siècle par ses stucs, ses balcons aux lourd décor de fonte et le soubassement en pierres meulières qui rompt l’harmonie des façades blanches.

On ne peut donc pas parler d’un type de maisons caractéristique des résidents anglo-américains. Quoi d’étonnant d’ailleurs à cela ? Cette floraison abondante de styles est la marque de l’époque beaucoup plus que celle d’une catégorie sociale ou d’une nationalité. La mode au XIXème siècle, après avoir été influencée par l’antiquité à la mode palladienne, et le gothique cher aux romantiques, devient, par l’apport des sciences, de l’archéologie, par la facilité des voyages, très éclectique. Ce goût est européen et les villas anglaises de Pau ne font pas exception, à la règle générale, d’où cette variété de villas de styles à la fois très différents, et en même temps très caractéristiques du XIXème siècle.

Enfin, il est à noter à travers ces inspirations stylistiques des traits communs à toutes les villas, qu’elles soient anglaises ou non.

Le souci des hivernants de profiter au maximum du soleil du Midi et du paysage pyrénéen même quand la température ne permet pas de sortir apparaît dans les constructions elles-mêmes (sachant qu’à l’époque Pau est alors une station climatique pour tuberculeux). En ce sens, le seul équipement qui semble devoir être particulier aux maisons anglaises, encore qu’on le retrouve dans quelques maisons françaises, est le bow-window, symbole de leur recherche de la lumière et souvenir de leur patrie. De nombreuses et larges fenêtres viennent s’ajouter aux bow-windows, montrant bien l’importance que les résidents accordaient à ce climat, à ce soleil qu’ils venaient chercher de loin.

Enfin, autre particularité de ces villas : les jardins. « Les Anglais faisaient leur parc avant de commencer leur maison » (selon les témoignages de l’époque). Nous savons que la mode des parcs et jardins « à l’anglaise » était déjà arrivée en France, mais elle ne s’y était pas encore épanouie ou vulgarisée. Pas une villa anglo-américaine qui ne soit plantée d’arbres majestueux et d’arbres à fleurs, proches de la maison sans toutefois l’ombrager de trop près pour ne pas la priver de lumière ou causer un danger en cas de chute d’arbre.

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